lundi 30 juin 2008

Des homos sans droit de cité...



Les homos des quartiers sans droit de cité
Discriminations . L’homophobie dans les banlieues s’exprime « avec plus de violence qu’ailleurs » (1). Loin des drag queens et de la techno, notre enquête dans les quartiers populaires.

Jim observe, assis sur une rambarde, suivant du regard le ballet black, blanc, beur qui défile. La nuit tombée, entre Aubervilliers et La Villette, à l’abri de la circulation, mais pas des regards des promeneurs nocturnes, les berges du canal Saint-Denis se transforment en lieu de drague gay. Un point de rencontre particulièrement fréquenté par les jeunes des quartiers riverains, qu’ils soient en Seine-Saint-Denis ou dans le Nord-Est parisien. Survet’-casquette-baskets, bou- bous ou tenues plus classiques, tous les styles se croisent, s’abordent, s’enlacent. Quand on est homo de l’autre côté du périphérique ou dans un quartier dit sensible, mieux vaut ne pas s’en vanter, voire s’en cacher.

Antony n’habite pas ce qu’on appelle une cité. À vingt ans, il vit chez ses parents, à Varennes-sur-Seine, en Seine-et-Marne. « Si tu te montres, ça craint. Je ne tiens pas mon copain par la main, témoigne ce DJ. Il y a trois ans, je l’ai dit à un ami qui l’a répété. Je me suis fait agresser par des adolescents. Il y a des gens qui ont coupé les ponts avec moi quand ils ont su que j’étais gay. Ce sont les jeunes et les personnes âgées qui nous acceptent le moins. C’est encore plus difficile pour les Noirs et les Beurs », précise le jeune homme, qui « met de l’argent de côté pour se rapprocher un jour de Paris ».

« Je fais tout pour passer inaperçu »

À seulement dix-neuf ans, Karim Hammour, lui, a déjà franchi le pas. Originaire des Yvelines, il habite à présent le deuxième arrondissement de la capitale. « Quand je retourne en banlieue, je m’habille, je parle, je marche différemment. Je fais tout pour passer inaperçu, raconte cet étudiant à la Sorbonne. Le poids familial est énorme. Certains parents, s’ils l’apprennent, ne veulent plus jamais en entendre parler. La religion n’est qu’un prétexte, car l’homosexualité n’est pas clairement réprimée dans le Coran. D’ailleurs, pendant mes vacances en Algérie, je me suis rendu compte que l’homosexualité était présente partout. »

Pour Karim, le tabou vient non seulement de « l’ignorance », de « l’amalgame par la génération précédente entre l’homosexualité et le sida », mais aussi de « l’absence de modèle masculin populaire auquel on pourrait se référer. On sait qu’on est différent mais on ne sait pas si on est seul. Il y a des homos qui peuvent refouler au point de devenir homophobe », affirme-t-il.

Dans ces quartiers, les lieux de rencontre entre gays sont inexistants. « On a trop peur d’être surpris, ce qui entraînerait des expéditions punitives. » Trouver l’âme soeur est donc quasiment impossible. Restent les chats sur Internet mais la solution la plus viable est de rejoindre Paris, considéré comme un refuge et le Marais comme l’Eldorado. « Là-bas, je m’en fous », se réjouit Antony. « Je ne me cache plus du tout », confirme Karim. Slimane, lui, est discret par nature. À vingt-huit ans, il a retrouvé une sérénité. À sa majorité, il quitte Garges-lès-Gonesse (Val-d’Oise) pour s’installer à Paris, où il reste neuf années. « Je ne m’épanouissais pas. Ou je m’enterrais ou je tentais l’aventure. Cela m’a permis de construire ma personnalité », confie-t-il.

Aujourd’hui, Slimane est retourné vivre en banlieue. À Rosny-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis. Qui plus est en couple. « Mais si j’avais été trop efféminé, je ne l’aurais pas fait. Cela aurait été trop dangereux. On apprend à se préserver car on ne peut pas se révolter contre un groupe. Il faut l’accepter. » Pour les sorties, en revanche, la capitale reste son lieu de prédilection. « Je me sens plus libre. » Il pourrait aussi s’y réinstaller, avec son compagnon. « Ce sera quand même plus simple. » Travaillant dans l’immobilier, Slimane a aussi des talents d’acteur. Il a tourné dans deux films, dont un qui n’est pas sans lien avec sa vie. Beurs appart raconte en effet l’histoire de jeunes gays de banlieue qui se retrouvent dans l’appartement parisien d’un ami pour vivre leur sexualité. Dans cette fiction, Slimane joue le rôle du Parisien… mais il est hétérosexuel !

« peur de se faire traiter de pédé »


Paris l’eldorado, mais aussi Paris le refuge. Comme l’a constaté Alice Guéna, présidente du MAG (2), association de jeunes LGBT, situé dans le 20e arrondissement, mais qui intervient régulièrement dans des établissements scolaires de banlieue : « Certaines personnes passent dans notre local pour se changer, parce qu’ils ont peur de se faire traiter de pédé. C’est une insulte banalisée liée au machisme. En milieu scolaire, l’homosexualité est complètement néantisée. Les homophobes font en sorte de ne pas être confrontés à la question. Pour eux, il n’y pas d’homosexuels. Ou alors, c’est un truc de Blanc, car on ne peut pas être homo et noir ou homo et musulman. Il y a pourtant d’autres interdits qui ne sont pas respectés, comme l’alcool et le sexe avant le mariage, mais ces écarts-là ne font pas, à leurs yeux, des mauvais musulmans. »

Ne pas tomber dans la stigmatisation

Mais la responsable associative refuse de tomber dans la stigmatisation. « On ne peut pas déterminer à l’avance si une personne sera homophobe en fonction de son milieu socioculturel ou de sa situation économique. Il y a beaucoup d’ignorance. Avec de la pédagogie, on peut calmer les tensions. Si l’homosexualité était plus visible, avec une meilleure représentation à la télé par exemple, il y aurait moins de préjugés. Il faut un culot monstre pour s’assumer. En tant qu’association, on ne donne pas de consignes, on encourage seulement les personnes à se protéger. Ce serait génial qu’un mouvement homo émerge des banlieues. Pour l’instant, ils ne pensent pas pouvoir faire changer les choses dans leurs quartiers », analyse Alice Guéna.

En Seine-Saint-Denis, le conseil général, à l’initiative de l’ancienne présidence communiste, a pris les devant en créant, en décembre 2006, un réseau d’aide et d’action pour lutter contre toutes les discriminations. L’Espace 93 pour l’égalité des droits rassemble des associations locales et nationales, des centres sociaux et des organisations d’aide aux familles. Devant le besoin évident de sensibilisation des milieux populaires à la question de l’identité sexuelle, un engagement des pouvoirs publics est devenu plus qu’urgent.

(1) Selon le rapport 2006 de SOS Homophobie.

(2) Mouvement d’affirmation des jeunes gais, lesbiennes,

bi et trans, (MAG),

106, rue de Montreuil,

à Paris. Permanences

les vendredis de 18 heures

à 22 heures et samedis

de 16 heures à 21 heures.

Ludovic Tomas

vendredi 27 juin 2008

Ecole de la tolérance....???



En France, les homosexuels ne sont pas près d’être à la noce

A quelques jours de la Marche des fiertés (ancienne Gay Pride) qui aura lieu le 28 juin à Paris, le mot d’ordre de cette manifestation festive et politique est désormais entériné : « Pour une école sans aucune discrimination ». Noble intention, mais que sont devenues les revendications de toujours sur le mariage et l’adoption ?

Le 16 juin dernier, des centaines de couples américains ont pu officialiser leur union après que la Cour suprême de Californie eut pris la décision de légaliser le mariage homosexuel. Dans cet état en majorité conservateur, San Francisco et Los Angeles font office d’îlots de tolérance où les gays et les lesbiennes peuvent désormais vivre leur amour au grand jour et sous le couvert de la loi. Cinq jours auparavant, en Europe, le « vieux continent », c’est la Norvège qui est devenue le septième pays au monde à légaliser le mariage homosexuel après les Pays-Bas et le Portugal en 2001, la Belgique en 2003, l’Espagne et le Canada en 2005 et l’Afrique du Sud en 2006. Et en France, c’est pour quand ?

On se souvient que la question était déjà tombée sur le tapis lors des débats présidentiels pour l’élection de 2007 avec un bilan en demi-teinte. D’un côté, Ségolène Royal s’était engagée prudemment, une fois le train lancé par Dominique Strauss-Kahn, à « avancer résolument sur les deux sujets du mariage et de l’adoption ». D’un autre côté, le candidat Sarkozy, plus mal à l’aise, avait néanmoins confirmé son attachement au triptyque « un père, une mère, un enfant ».

L’école de la tolérance

Depuis, le débat n’a guère eu l’occasion d’être relancé si ce n’est le 17 mai dernier où Rama Yade, secrétaire d’Etat chargé des affaires étrangères et des droits de l’homme, s’est engagée au nom du gouvernement à reconnaître la journée mondiale contre l’homophobie. Les plus optimistes ont interprété cette décision comme un signe d’évolution des mentalités sur le mode du « c’est mieux que rien. » Les pessimistes ont considéré plus laconiquement que ce genre de décision ne coûtait pas grand-chose au gouvernement et que le mariage homosexuel n’était décidément pas près d’être légalisé en France.

La cause serait-elle donc entendue et faudrait-il juste admettre que la France n’est pas prête à statuer officiellement sur l’union entre deux personnes du même sexe ? C’est en tout cas, l’opinion qui semble dominer dans les esprits, y compris chez les premiers concernés. Interrogé dans les colonnes du quotidien Libération du 23 juin, Alain Piriou, porte-parole de l’Interassociative lesbienne, gaie, bi et train (Inter-LGBT) s’explique ainsi sur le choix du mot d’ordre de la Marche des Fiertés édition 2008. « Nous savons que ce n’est pas cette année qu’une marche de 500 000 personnes fera changer d’avis Nicolas Sarkozy qui a clairement dit qu’il était contre le mariage et l’adoption par des couples du même sexe. Plutôt que de perdre notre temps, autant le mettre à profit pour avancer. Cette année, on a choisi le thème spécifique de l’école. Sur la question de l’homophobie, l’Education nationale est un acteur incontournable ». Un mot d’ordre qui s’inscrit directement dans les orientations prises par Xavier Darcos, ministre de l’Education nationale et Valérie Pécresse, ministre de l’Enseignement supérieur. Concrètement, il s’agit d’abord de rendre systématique l’affichage de la ligne Azur dans les lycées. Une « solution » qui doit permettre aux adolescents victimes de violences homophobes ou soucieux de s’informer de trouver des interlocuteurs formés. Dans les universités et les grandes écoles ensuite, il est prévu, dès la prochaine rentrée, qu’une campagne de lutte contre l’homophobie soit initiée auprès des étudiants voire des enseignants grâce à des modules de formation spécifiques.

Même si la décision mérite d’être saluée, est-ce une raison suffisante pour baisser les bras au sujet des revendications sur le mariage et l’adoption ? La question reste en suspens et provoquera certainement des réactions.

Pour savoir si l’ensemble des associations ou des groupes activistes gays et lesbiens adhère à cette résignation officielle, il suffira de tendre l’oreille samedi 28 juin dans les rues de Paris et de prendre le temps de déchiffrer les slogans. A suivre

mardi 17 juin 2008

Raction ferme après les propos d'un maire de La Réunion



Réaction : L’indignation de l’ARPS
Depuis 20 ans, l’Association Réunionnaise pour la Prévention du Sida (ARPS) mène des actions de prévention des risques liés à la sexualité. Elle réagit ici face aux propos tenus par Mr Ramakistin et repris par le JIR.

NOTRE association intervient notamment sur les lieux de rencontre homosexuels tel que la Souris Chaude. Contrairement a ce que suggère Mr le Maire de Trois Bassin, relayé avec beaucoup de complaisance par certains organes de presse, il ne s’agit pas de dépravés ni de pervers. Les gens que nous rencontrons sont des gens ordinaires homo bisexuels, votre voisin, votre collègue de travail, votre fils peut être... Il s’agit d’hommes jeunes, ou moins jeunes, qui ont souvent du mal à vivre une vie amoureuse sereine dans une société qui reste homophobe, il faut bien l’admettre, vivre son homosexualité reste difficile à La Réunion. Difficile pour un garçon de tenir la main de son compagnon dans la rue ou de draguer à une terrasse de café. L’homophobie ambiante et parfois le rejet familial, contribuent au malaise profond de nombreux jeunes homos. Les difficultés liées à l’orientation sexuelle sont une des premières causes de suidde chez les jeunes (7 à 10 fois plus de suicides chez les jeunes homosexuels que chez les hétérosexuels du même âge). L’homophobie induit chez certains homosexuels une mauvaise image de soi qui favorise les prises de risques. La lutte contre l’homophobie est un élément clé pour la prévention des risques.

Les propos tenus par Mr Ramakistin Maire de trois Bassin et repris par le JIR dans son édition du 11 juin 2008 ont provoqué l’indignation de l’ARPS. Les termes de gazages, de nettoyage et les confusions entre pédophilie et homosexualité sont indignes.

Nous sommes convaincus que ces propos participent à la stigmatisation des homosexuels. La lutte contre la discrimination en fonction l’orientation sexuelle est inscrite dans la loi et doit être respectée par tous.
Le mélange des problématiques offensant la "communauté" homo bisexuelle doit être dénoncé.
La prostitution, le harcèlement, le racket et la toxicomanie n’ont strictement rien à voir avec l’homosexualité et ne sont pas une spécificité de la souris chaude.

Nous demandons à ce que la presse et nos élus reviennent à des propos plus sereins et respectueux des libertés Individuelles.

DR Alain Vice président de l’ARPS

Association Réunionnaise pour la Prévention du sida
11 bis rue Saint Jacques 97400 SAINT DENIS REUNION www.arps-info.com

dimanche 15 juin 2008

Ne pas s'imaginer toujours seul !



>"Montrer aux personnes qu'elles ne sont pas forcément seules"
CGLBT Rennes homophobie homosexualité hétérosexualité

Comme chaque année depuis quinze ans, à l'initiative du centre gay, lesbien, bi et trans de Rennes (CGLBT), une marche des Fiertés était organisée cet après-midi. Plus de 500 personnes étaient présentes durant le défilé. Alors qu'en est-il aujourd'hui de la place des homosexuels dans notre société ? Eléments de réponse avec Françoise Bagnaud, co-présidente de l'association.
Françoise Bagnaud, au delà du caractère festif, quel est l'enjeu de ce type de manifestation ?



Il y a plusieurs enjeux. Le premier est de rapeller que l'on vit dans un pays, un monde, où un certain nombre de personnes ne sont pas hétérosexuelles. Et ces personnes n'ont pas les mêmes droits que les autres. Il y a une discrimination. Discrimination par rapport au mariage, par rapport à l'homoparentalité, par rapport au droit à l'adoption. Le deuxième enjeu est que bon nombre de personnes homosexuelles, ont un sentiment de honte, ou sont stigmatisées, par rapport aux autres. Le fait qu'il y a une marche chaque année permet de montrer aux personnes qu'elles ne sont pas forcément seules. Il existe des associations, un collectif, notamment.





Justement aujourd'hui, y-a-t-il une évolution dans la perception et l'intégration de l'homosexualité ?



Oui tout à fait. Prenons cette année, la ville de Rennes nous a apporté leur aide, en matériel et nous a aidé à construire le chapiteau. Ce n'est pas le cas dans toutes les villes. Aujourd'hui, à Rennes, on y voit plus clair. Les médias eux aussi, permettent aux choses d'évoluer, grâce à des reportages, des fictions ou des séries, évoquant et intégrant l'homosexualité.





Et par rapport à la population ?



En terme de mentalité, c'est difficile à mesurer. Certes on est loin des années 70, où l'on considérait l'homosexualité comme une maladie mentale. Mais aujourd'hui, il y a encore un bon nombre de personnes qui souffrent, qui ne savent pas comment faire. Et il y a aussi des personnes qui sont clairement homophobes, on a pu le voir aujourd'hui, qui nous insultent et ne nous acceptent pas. Je pense qu'il y a vraiment une question sociale. Les gens disent "je ne suis pas homophobe", et dans le même temps, sont contre le mariage homosexuel, ce qui est une certaine forme d'homophobie. Or, ils ne veulent pas de différences entre les personnes de couleur blanche et les personnes de couleur noire, d'origine arabe ou autre. Et bien c'est la même chose pour nous. Pourquoi y aurait-il des différences entre les personnes hétérosexuelles et homosexuelles ?!





Dans le domaine professionel, vous ressentez encore des discriminations ?



Oui c'est perceptible. Même si aujourd'hui, il y a une loi qui a interdit cette discrimination. Après ça ne suffit pas toujours. Rien qu'hier, une personne que l'on connaît, a perdu son emploi parce qu'elle avait dit qu'elle était homosexuelle...





Et où se place l'Etat aujourd'hui dans ces évolutions ?



Il y a un discours et des faits. Le discours, tend au changement et à la reconnaissance. Dans les faits, c'est plus complexe. Par exemple, sur la question du mariage, tout est à faire, et aujourd'hui, l'Etat tient une position assez fermée là-dessus. Concernant le Pacs (ndlr : depuis 1999), c'est une avancée mais ça continue aussi à stigmatiser les personnes homosexuelles.

samedi 14 juin 2008

Un article squr la Gambie !




GAMBIE: Climat de peur au sein de la communauté homosexuelle


DAKAR, 13 juin 2008 (IRIN) - Le président gambien Yahya Jammeh, qui a menacé, à la mi-mai, d’expulser ou de faire décapiter les lesbiennes et les gays du pays, selon des témoignages, devrait retirer l’intégralité de ses propos, a demandé l'organisation Human Rights Watch (HRW) dans un courrier adressé au Président le 10 juin.

Yahya Jammeh a en effet retiré sa menace de tuer les homosexuels, mais pas de les expulser, selon la déclaration de l'organisation de défense des droits humains HRW. Ses propos, tenus, selon HRW, au cours d’un discours prononcé en mai, « encouragent la haine [et] contribuent à créer un climat dans lequel les droits fondamentaux peuvent être violés en toute impunité ».

« C’est très dangereux, lorsque des dirigeants politiques ont recours à des déclarations homophobes pour essayer de s’assurer un soutien politique. Quand on fait ce type de déclarations, des violences s’ensuivent souvent, parfois immédiatement, parfois plus tard. Les gens pensent en effet qu’on ne risque rien en agressant ces personnes », a expliqué à IRIN Scott Long, qui dirige le programme de défense des droits des lesbiennes, des gays, des bisexuels et des transsexuels de HRW, au cours d’un entretien téléphonique, depuis New York.

« Ni la religion, ni la culture ne peuvent justifier les appels à la violence de masse et au meurtre », avait souligné Juliana Cano Nieto, chercheuse au programme de défense des droits des lesbiennes, des gays, des bisexuels et des transsexuels de HRW, dans la lettre adressée par HRW au président Jammeh.

Terreur

Selon ce qu’a rapporté HRW, le Président aurait donné aux homosexuels 24 heures pour quitter le pays, les menaçant de rechercher et d’arrêter les gays, et de les expulser de chez eux.

Selon la BBC, M. Jammeh a également juré de « couper la tête » à tous les homosexuels, et d’imposer des lois contre l’homosexualité.

« Nous sommes dans un pays majoritairement musulman et je n’accepterai jamais ni ne devrai accepter ces individus [les homosexuels] dans ce pays », aurait déclaré le Président, selon les propos rapportés dans les pages du journal gambien The Daily Observer.

Le 16 mai, au lendemain du discours présidentiel, la police gambienne avait arrêté deux Sénégalais, vraisemblablement soupçonnés d’être homosexuels.

« Les membres de la communauté underground gay et lesbienne sont terrifiés », a indiqué M. Long, de HRW. « Ces déclarations les poussent à vivre d’autant plus cachés ; ça ne fait qu’intensifier le climat de peur ».

L’impact, à long terme, dépendra de la réaction de la société civile, selon M. Long. « Ce qui s’est passé au Zimbabwe, par exemple, est instructif. Mugabe avait diabolisé les homos là-bas, en 1994 et […] finalement, le même genre de tactiques de stigmatisation et de haine employées contre les lesbiennes et les gays avait abouti à des violations plus générales des droits humains de tous ».

Violation des conventions internationales

D’après Human Rights Watch, les déclarations du président Jammeh vont à l’encontre de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, tous deux signés par la Gambie.

L’article 28 de la Charte africaine stipule que « chaque individu a le devoir de respecter et de considérer ses semblables sans discrimination aucune, et d'entretenir avec eux des relations qui permettent de promouvoir, de sauvegarder et de renforcer le respect et la tolérance réciproques ».

Selon M. Long, les organismes juridiques ont ainsi une base suffisante pour donner suite à l’affaire. Le Comité des droits de l’homme des Nations Unies, chargé d’examiner les violations des droits humains en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, pourrait notamment étudier la question.

Il serait également « possible de porter [les propos du président] à l’attention » de la Commission africaine des droits de l’homme, de plus en plus investie dans l’étude des facteurs de violence en Afrique.

Une législation nationale plus stricte

Les actes homosexuels sont illégaux en Gambie –selon l’article 144 du code pénal, les actes sexuels consensuels entre hommes sont passibles de 14 années d’emprisonnement- et depuis 2005, la loi s’applique également aux femmes, selon un rapport publié en mai 2008 par l’International Lesbian and Gay Association (ILGA).

Les actes homosexuels sont interdits dans 11 pays d’Afrique de l’Ouest, ainsi que dans 86 Etats-membres des Nations Unies, d’après l’ILGA.

« Les anciennes colonies britanniques ont souvent les pires lois, parce qu’elles remontent souvent directement à la législation victorienne et ne renvoient pas à la culture ni à l’histoire africaine ; ce sont des vestiges du colonialisme », a observé M. Long.

Et la loi risque de devenir encore plus stricte. D’après la BBC, le président gambien a en effet annoncé qu’il instaurerait bientôt dans le pays une nouvelle loi contre les pratiques homosexuelles, plus stricte encore que les législations appliquées ailleurs, « y compris en Iran ».

Pression internationale

Les gouvernements membres de l’Union européenne, sous présidence slovène, ont préparé une déclaration commune et sont actuellement en négociations avec le ministère gambien des Affaires étrangères sur la question, selon Graham Birse, Haut commissaire britannique par intérim.

« Nous avons décidé que nous devrions véhiculer un message commun et nous nous sommes tous alignés sur ce message », a déclaré à IRIN un représentant gouvernemental, ajoutant : « évidemment, nous ne sommes pas d’accord avec les déclarations du Président ».

Mais pour M. Long, ce serait en « faisant honte au Président, en l’embarrassant » que les organisations internationales auraient le plus de poids.

Selon lui, ces efforts pourraient même commencer à porter leurs fruits, puisque le président Jammeh nie désormais avoir tenu tout propos sur la décapitation des gays.

En parallèle, Human Rights Watch reste à l’affût des prochains faits et gestes du gouvernement et surveille le comportement adopté par la police et d’autres acteurs à la suite de ses déclarations.

« Nous surveillons la situation grâce à nos contacts dans le pays, pour nous tenir au courant de la façon dont la police, et d’autres, agissent par rapport à ces déclarations, et nous attendons de voir ce que le gouvernement va faire maintenant », a déclaré M. Long à IRIN. « Si l’on s’en prend même à des personnes aussi marginalisées, cela pourrait créer un précédent en faveur d’une violation plus générale des droits humains ».

jeudi 12 juin 2008




Homosexualité et jeunesse africaine au XXIe siècle
L’homosexualité chez les jeunes Africains est une pratique courante qui tend désormais à se banaliser avec le consentement des populations presque résignées à cette évolution des mœurs.

« L’homosexualité est une tare blanche qui ne s’applique pas aux Africains ». Cette déclaration, un peu à l’image de son auteur, est de Robert Mugabe, président éternel de cet enfer austral qu’est le Zimbabwe. Loin d’être isolée, cette sortie sans ambages reflète l’opinion de la forte majorité d’Africains sur un sujet qui dérange et dont on aimerait ne pas en discuter. L’ancien président nigérian affirme lui que l’homosexualité est « perversion du droit divin », tandis que son homologue ougandais le président Yoweri Museweni trouve que les homosexuels sont coupables de « crimes contre nature ». Selon Alex Siewe dans Jeune Afrique : « l’Eglise a condamné sans réserve l’homosexualité pendant la guerre coloniale ; les régimes marxistes ou de parti unique ont présenté plus tard ces pratiques comme une déviance propre à la bourgeoisie, conséquence du capitalisme décadent ; aujourd’hui, c’est paradoxalement au nom d’un retour à des valeurs ancestrales africaines que le sujet est combattu avec véhémence comme une maladie occidentale ».

Pourtant, malgré ses discours, la réalité semble de nos jours dépasser l’imagination. L’homosexualité chez les jeunes Africains est une pratique courante qui tend désormais à se banaliser avec le consentement des populations presque résignées à cette évolution des mœurs. En dehors de quelques pays maghrébins tenus sous pression par des islamistes plus que vigilants, en Afrique subsaharienne, certains jeunes ne se cachent plus et affirment sans complexe leur choix. Ainsi, il n’est plus surprenant de croiser dans les cybercafés des villes africaines, des jeunes personnes à la recherche d’un partenaire du même sexe, ces « tchat » gay qui sont de plus en plus prisés loin des regards des vieux, ces « has been », qui surjouent à la perfection la comédie du conservatisme. De Cotonou à Douala en passant par Abidjan et Johannesburg, la jeunesse africaine se cherche et se trouve parfois au-delà des barrières et des interdits. Des orgies aux pratiques de la fellation et de la sodomie, les frontières de l’acceptable sont moins immuables. Le désir de bien-être guidant ces générations à la découverte des plaisirs encore inconcevables il y a cinq ans.

Mais qu’est-ce donc que cette homosexualité qui suscite publiquement une telle levée de bouclier de la part des dirigeants africains ? Quelle est donc cette malédiction, cette malchance, qui sous l’ombre blanche cache la plus perverse machination occidentale ?

L’homosexualité est simplement – scandaleusement – le fait d’avoir de l’attirance pour une personne du même sexe que soi. Elle englobe les gays et lesbiennes et se situe bien au-delà de la pratique sexuelle pour symboliser la relation sentimentale. Contrairement aux idées reçues, elle n’est pas le propre de l’Occident, presque chaque civilisation et chaque culture a entretenu – entretient – sa propre histoire avec cette pratique venue du fond des âges. Charles Gueboguo, sociologue camerounais, l’a brillamment démontré dans ses recherches sur l’homosexualité en Afrique, on la retrouve dans les rites, les codes et les coutumes, inscrite en lettres d’hypocrisie sur le marbre froid des traditions ancestrales. Que ce soit chez les vaillants guerriers Massaï du Kenya comme chez les Haoussa du Nigeria, l’homosexualité a traversé les époques, survivant difficilement aux assimilations politiques et institutionnelles des indépendances, pour refaire surface aujourd’hui dans la peau de jeunes Africains décidés à se faire accepter pour ce qu’ils sont.

Il y a quelques mois, au Cameroun, la presse lâchait aux populations des listes de présumés homosexuels sur lesquels se retrouvait tout ce que le pays compte d’hommes influents, de politiciens aux financiers en passant par des sportifs et artistes de renom. Une affaire qui a fait grand bruit et a alimenté pendant les moments de disette les chaumières en attisant un peu plus la haine des homosexuels, décidément responsables de toute la misère du pays. Une autre histoire a été au centre de toutes les attentions dernièrement. Celle de ce groupe de lycéennes accusées d’homosexualité après les avoir surpris s’adonnant à des pratiques « malsaines » et « indécentes » au sein de l’établissement scolaire. Au Cameroun comme dans la quasi-totalité des pays africains qui se respectent, l’homosexualité est un délit passible d’une peine d’emprisonnement et de grosses amendes.

Des dispositions légales qui n’inquiètent pas les jeunes. Car ceux-là même qui les condamnent devant les caméras, viennent à la nuit tombée, dans la discrétion nocturne, solliciter les services d’éphèbes obligés de jeter leurs corps en pâture aux loups pour tenter de survivre à la pauvreté ambiante de nos sociétés. Des fonctionnaires, des businessmen, des hommes ordinaires, mariés ou pas, nourrissent ce marché noir où se libèrent les penchants soigneusement camouflés. Cette schizophrénie a un drôle de nom au Cameroun. C’est le « bilinguisme ». C’est-à-dire l’état d’un homme qui est obligé de jouer à un double jeu pour sauver les apparences. Le jour, hétérosexuel convaincu, chrétien, fidèle et souvent marié, perdu quelquefois dans ce personnage. La nuit, plongé dans l’obscurité, se retrouvant enfin libéré dans les bras d’un autre homme. Le bilinguisme ici c’est savoir parler le langage de la « raison » le jour et celui du « cœur » la nuit. Ainsi, les jeunes sont désormais conscients que le malaise social actuel n’est en fait que les derniers soubresauts d’une société condamnée à se regarder dans les yeux et à accepter cette partie d’elle qui loin de la déshonorer, la réconcilie avec son identité.

Dans les lycées, les collèges, les universités, les zones rurales et urbaines, l’homosexualité se vit tous les jours, chez les jeunes. Si le lesbiannisme est plutôt largement toléré par les jeunes, au point où il s’érige en fantasme sexuel absolu, la gay attitude souffre encore d’une incompréhension, dans des cas, assez violente. Il n’est pas surprenant d’entendre des adolescents fiers de leur hétérosexualité trouver que les législations ne vont pas loin dans la répression de l’homosexualité, qu’il faudrait les exécuter sur la place publique. Mais souvent les mêmes jeunes, dans leur intimité, n’hésitent pas à sodomiser leurs amies et à exiger cette fellation qui moralement est aussi répréhensible. De nos jours, il suffit de discuter avec des jeunes, des deux sexes d’ailleurs, pour comprendre que l’épanouissement sexuel est une quête qui brise les chaînes de la morale et s’émancipe des carcans du rigorisme calviniste.

N’est-ce pas dans cette optique de libération que le droit à la différence s’affirme et que le droit de choisir émerge pour s’ancrer dans les consciences. Il n’est pas pour moi question de faire l’apologie de la déviance et du libertinage, certains diront du vagabondage, sexuel chez les jeunes Africains. Le but, c’est de souligner que chaque génération a ses aspirations et ses idéaux. Ses mœurs et son langage. Tandis que le « string » traumatise les parents, les éducateurs ou les religieux, que les jeans sexy et les minijupes ultra courtes provoquent des arrêts cardiaques dans les rues des métropoles africaines, ce style hautement tendancieux est revendiqué et assumé par des générations qui vivent simplement leur temps, comme d’autres avant eux.

La question de l’homosexualité chez les jeunes Africains, en ce siècle nouveau et fébrile, est une illustration du changement profond qui est en train de se faire au cœur de nos sociétés. Une évolution qui se fait dans la souffrance, se frayant péniblement un chemin jusqu’à une reconnaissance claire des pouvoirs publics, que ce soit dans l’accès aux soins antiviraux (VIH/SIDA), que ce soit dans la prise en compte du taux de suicide particulièrement inquiétant chez les jeunes homosexuels. Peut-être un pas symbolique vers la fin du calvaire, la célébration d’une journée mondiale contre l’homophobie. Une journée arc-en-ciel. Gay en somme.