mardi 24 avril 2007

La biographie d'Alfred DOUGLAS



Une réhabilitation de l’amant d’Oscar Wilde ?
Lord Alfred Douglas (1870-1945) est un poète d’origine irlandaise qui est entré dans l’histoire de la littérature moins en raison de ses qualités littéraires, pourtant indéniables, que comme le sulfureux amant d’Oscar Wilde. De nombreux écrits, à commencer par « De Profundis » de Wilde, se sont acharnés à lui donner une réputation détestable, celle d’un égocentriste colérique et dépensier qui a conduit Wilde à la fin tragique que l’on sait.

L’auteur de cette biographie récente (2000) tente néanmoins de nuancer ce portrait en analysant les très nombreux échanges de correspondance, les articles de presse et bon nombre de témoignages à la lumière de la société victorienne de l’époque. Il s’attarde également sur la personnalité de Wilde dont il pointe la part de responsabilité dans sa condamnation et sa ruine : son choix d’intenter un procès contre le père d’Alfred Douglas en allant jusqu’à cacher la vérité à son avocat, puis son refus de quitter l’Angleterre avant son arrestation définitive alors que même les autorités ont délibérément attendu le départ du dernier train pour agir afin de lui permettre de s’exiler. Murray va jusqu’à interpréter les lettres de Wilde à son ami Robbie Ross dans lesquelles il se plait de l’addiction au jeu de son jeune amant, comme une façon de lui soutirer de l’argent. Alors que l’idée répandue était que Douglas a abandonné Wilde pendant qu’il purgeait sa peine de travaux forcés, l’auteur rappelle que Douglas s’est vu lui aussi contraint de s’exiler pendant quelques années en France comme de nombreux homosexuels anglais craignant une avalanche de procès suite à la condamnation de Wilde. Depuis ce pays, Douglas a d’ailleurs fortement milité pour la cause homosexuelle et la réhabilitation de son amant, notamment par des articles dans la presse française qui auront des conséquences fâcheuses pour lui encore bien des années plus tard. Enfin, Douglas a été une des rares personnes à renouer contact avec Wilde à la fin de sa vie et a d'ailleurs assuré l'organisation et le payement de son enterrement.

Même si sa relation avec l’écrivain n’aura duré que ses quelques années de jeune adulte, elle marquera profondément l’existence de Douglas, au point que sa vie se calquera en tout point sur celle de Wilde : il se marie à 32 ans se présentant ainsi hétérosexuel à l’âge où Wilde découvre son homosexualité, sera également condamné à une peine de travaux forcés pour un procès de trop, fera lui aussi une banqueroute et décédera dans la solitude et la pauvreté.

Bien que Murray s’attache à redorer quelque peu l’image de Douglas, il ne reste pas moins que certains de ses traits de caractère le rendent peu sympathique : sa conversion au catholicisme qui va le pousser à défendre pendant une partie de sa vie une morale sexuelle ultra-conservatrice et fustiger l’homosexualité et certaines avancées féministes comme le contrôle des naissances, ou encore son antisémitisme pleinement revendiqué durant la période délicate de l’entre deux guerres.

Mais ce livre n’est pas qu’une simple biographie. L’auteur rappelle aussi qu’Alfred Douglas était avant tout un poète. Il reproduit bon nombre de ses textes, dont « Two loves » cité comme pièce à conviction pendant le procès de Wilde, décortique son style, analyse l’évolution de son écriture, replace ses poèmes dans le contexte de sa vie, ce qui rend cette biographie particulièrement riche et intéressante.

Je n’ai malheureusement pas trouvé de version française de ce livre, mais vu la finesse de l’écriture, la qualité des sources, la précision des références et la multitude de reproduction de textes originaux qu’il contient, il n’est pas exclu qu’il soit un jour traduit.

mercredi 4 avril 2007

La haine d'un chanteur....




PdB : Capleton ou comment brûler les Pédés et les Gouines sur un air de Reggae
par Tourterelle des bois


« Capleton », tête d’affiche de la Soirée Reggae Samedi 20 Avril au « Printemps de Bourges », vous connaissez ? Sur le beau tempo du Reggae, Capleton diffuse des idées simples dans un anglais matiné des îles jamaïcaines : « Brûlons les Pédés et les Gouines !!! ». Choquant ? Oui...mais noyé sous la basse omniprésente et diffusé en anglais dans un brouillard de fumée de marijuana, ça passe mieux. Et puis, le Reggae, selon la pensée dominante, est une musique engagée pour la Liberté des peuples tout en dénonçant les opprimés du Sud, victimes des salauds de capitalistes.
Seulement voilà : du temps à passé depuis les révoltes légitimes des premiers Reggaemen tout comme les premiers rappeurs et slameurs du Bronx... Les Labels surpuissants du spectacle (Universal, etc...) ont récupéré ces musiques... rabaissées au statut de biens de consommation ô combien rassurants. Là se loge le pire visage du système lamentable du spectacle dont le PDB est l’un des plus symboles de la France : on chante ensemble : « Sarkosy, salaud ! », « Liberté pour les peuples d’Afrique ! »... On conchie tous les systèmes (« Vive l’Anarchie ») avec la plupart des artistes qui, non seulement, engraissent le système qu’ils dénoncent mais en plus, permettent à ce système de perdurer. Procédure simple : après avoir bien fumé des joints, bien chanté en coeur, bien gueulé, après avoir versé une petite larme pour l’Afrique qui meurt...le spectateur repart revigoré mais aussi bien calmé pour retourner dès le lendemain à son train-train quotidien. Cela s’appelle communément la « Récupération » et cela assure la Cohésion et la Stabilité du système libéral. Seulement là, avec « Capleton », c’est plus vraiment la même chose. C’est le web du journal « L’Humanité » qui a le premier révélé cette lamentable « affaire » (Laurent Mouloud : http://www.humanite.fr/) sous le titre explicite : « Homophobie Capleton, le reggaeman qui veut « brûler les pédés ».

Pour le PDB : Tout va bien du moment qu’on fait des affaires...Ainsi donc, tout va bien pour les affaires : "Capleton" interdit de séjour de tous les festivals de France pour grave homophobie....est maintenu pour la programmation du "Printemps de Bourges" lors de la soirée Reggae du vendredi 20 avril prochain. On l’a suffisamment démontré : Tout est bon pour faire du pognon et le PDB n’hésite devant rien...mais le plus étonnant, c’est que l’association la plus en pointe sur la lutte contre l’homophobie (rappelons son festival homo à Maison de la Culture de Bourges) demeure muette sur ce sujet et continue même a rester associer à ce festival... Mais plutôt que de se lamenter sur cette nouvelle preuve de la surpuissance écrasante du PDB sur notre ville, examinons calmement les faits, histoire d’essayer de réveiller les consciences de notre bonne vielle ville.
Comme le souligne Laurent Mouloud de « L’Humanité », un paquet d’associations gays ont dénoncé les programmations de ce chanteur homophobe : « Reims, Lille, Toulouse, Clermont-Ferrand, Saint-Brieuc, Reignier... La Haute autorité de lutte contre les discriminations (HALDE), les ministres de l’Intérieur et de la Justice de l’époque avaient été sensibilisés à ce scandale qui consiste à manipuler les jeunes spectateurs : « La plupart des personnes qui l’ont déjà vu en France viennent pour la musique mais ne comprennent pas les paroles. Ils ne savent pas ce qu’il cautionne... », explique Hussein Bourgi, membre du Collectif contre l’homophobie de Montpellier. Bref, les unes après les autres, les salles de concerts renoncèrent à accueillir Capleton » et en 2004, ces mêmes assos avaient inondé de mails toutes les structures programmatrices de musique ! On a donc du mal à imaginer que la Direction de programmation du PDB n’ait pas été mise au courant !!!!! Pire, après tous ces efforts, on était en droit de penser que c’en était fini de souiller le sublime Reggae par des paroles appelant à « brûler les Pédés et les Gouines »...Mais on n’avait pas compté sur l’appétit de pognon toujours supérieur aux idées, quand il s’agit de concocter une soirée juteuse du PDB...

« Tous les pédés et les sodomites doivent être tués »Comment cette forme de musique née à la Jamaïque et issue de la révolte contre la colonisation et le néo-colonialisme a-t-elle pu accoucher de tels chanteurs ? Mouloud livre un excellent historique de ce retournement absurde de situation : « Clifton George Bailey, alias Capleton, âgé de trente-huit ans, a toujours fait preuve d’une certaine constance dans sa haine des homosexuels. « Brûlez les pédés, saignez les pédés », « Tous les pédés et les sodomites doivent être tués », « Enchaînez-les et pendez-les vivants ». Les paroles, scandées en patois, sont sans équivoques et s’inscrivent dans cette mouvance de chanteurs jamaïcains qui prônent, depuis le milieu des années quatre-vingt-dix, le retour à l’idéologie la plus radicale du « Rastafarisme », la religion des reggaemen jamaïcains dont beaucoup considèrent l’homosexualité comme une déviance. Dans un contexte où l’État jamaïcain a élevé l’homosexualité au rang de délit, des chanteurs comme Capleton, mais aussi Sizzla ou Elephant Man ont fait de l’incitation au meurtre des gays leur fonds de commerce. » Et de conclure en nous livrant les témoignages terrifiants d’Hussein Bouji et d’Alain Piriou, président de l’Inter-LGBT (Interassociative lesbienne, gay, bi et trans) : « Depuis environ quatre ans, le discours homophobe n’est plus, là-bas, seulement ornemental mais vraiment constitutif d’une certaine identité. » et en outre : « En juin 2004, un homosexuel jamaïcain a été littéralement lynché à la sortie d’un de ces concerts de reggae intégriste. « Ses assassins ont juste mis en pratique ce qu’ils avaient entendu quelques minutes auparavant ». Ces simples témoignages doivent absolument mobiliser les berruyers pour éviter la venue de Capleton au Printemps de Bourges !!

Piètre attitude de la Société du Spectacle : Comme d’habitude, en matière de dérapages, la société de spectacle, toujours avide de profits, s’emploie à minimiser ce genre d’affaires. Sans revenir sur la triste histoire de la promotion à Bourges d’un écrivain anti-sémite dénoncé par Didier Daeninckx (la programmation de cet écrivain à la Maison de la Culture fut malgré tout maintenue par les alternatifs de Bourges...), il n’est pas inutile de rappeler tous les soutiens de Capleton qui usent de toutes les ruses pour minimiser des propos homophobes (et dans le cas de Capleton, y’a du boulot !). Comme le signale encore Mouloud : La FNAC continua de vendre les billets de Capleton, mais promit de ne plus faire de publicité.... Et malgré une lettre de protestation de Bertrand Delanoë, le célèbre Maire de Paris concerné au premier chef, le patron du Zénith de Paris fit de la résistance en refusant dans un premier temps d’annuler le concert...avant de finalement faire plaisir à son ami le maire de Paris en supprimant purement et simplement Capleton de l’affiche.

Si l’on considère que le Patron du Printemps de Bourges est aussi le Patron du Zénith de Paris, une question se pose : fort de son ancienne expérience avec Capleton, annulera-t-il une nouvelle fois ce lamentable concert prévu le samedi 20 Avril prochain ? On peut l’espérer...mais le Maire de Bourges n’est pas le Maire de Paris qui, on le sait, se sent extrêmement concerné par les propos homophobes (jusqu’à preuve du contraire, il n’a jamais fait mystère de son homosexualité et ce, jusque dans les médias). De lamentables rumeurs sur le maire de Bourges ressortant de la même thématique ont empoisonné la ville durant de nombreux mois. On peut donc penser que ces bruits de chiotte (diffusés largement par son ancienne mouvance politique) l’inciteront à avoir la même détermination que son glorieux homologue de la Capitale de France !