vendredi 28 décembre 2007

Témoignage de prsionniers gays au Cameroun



Cameroun: paroles de prisonniers gays.



Au Cameroun, au moins 18 hommes sont actuellement en prison pour «homosexualité».

Voici les témoignages de trois d'entre eux.

Premier témoignage : «N.J.» Je me nomme N.J.. Je suis âgé de 19 ans

J'habitais avec mes parents et ma sœur à 15km du centre d'Ebolowa. J'étais élève en classe de 2nde A au collège C…
Le 9 juillet 2006, j'ai été abordé au soir par un jeune homme de 23 ans qui se nommait O.G. Il m'a proposé la somme de 30.000 francs CFA (45 euros) pour avoir des rapports sexuels avec lui. J'ai tout de suite accepté et nous avons pris une auberge au centre où tout s'est bien passé.
Au matin du 10 juillet, il m'a tendu 10.000 francs CFA (15 euros), promettant de me donner le reste ultérieurement. J'ai exigé qu'il remplisse les clauses d'un contrat parce que je ne le connaissais guère. Comme il ne s'exécutait pas, j'ai alerté les passants afin qu'ils m'aident à le maîtriser. Ce sont eux qui nous ont conduit à la police judiciaire.
Nous avons été gardés à vue après quelques explications verbales et des menaces, et ce n'est que le jour suivant que nous avons été entendus pour un procès verbal, puis gardés à vue à nouveau. Le 13, pendant que O.G. attendait à la salle d'accueil et qu'on entendait ma déposition, il a profité de la distraction des agents pour s'enfuir. Ils ont voulu que je leur dise où il habitait, ce à quoi j'ai répondu que si je le savais, je ne serais pas en cellule. À la suite de cela, j'ai été torturé à coups de matraque pendant plusieurs minutes pour me faire avouer je ne sais quoi. C'est fou de penser que je protège celui par lequel je me suis retrouvé là.
Ce même jour, j'ai été entraîné au parquet, où le procureur m'a fait signer un mandat de dépôt pour homosexualité. J'ai été conduit à la prison centrale d'Ebolowa au quartier des majeurs, bien qu'à ce moment-là je n'avais que 18 ans.
Dix-hui jours plus tard, je suis allé au parquet. La procureure, maître A., m'a demandé d'abandonner mes préférences homosexuelles après avoir lu ce que j'avais déclaré à la police judiciaire. Je lui ai dit que je ne pouvais pas parce que je suis homo et que je n'ai aucune attirance pour les femmes. Elle m'a condamné à 15 ans fermes d'emprisonnement.
En fin d'année, j'ai bénéficié de 1 an de remise de peine, en plus des 16 mois que j'ai déjà purgés, ce qui fait 2 ans et 4 mois à ce jour. J'ai été autorisé à être «corvéable à merci» pour éviter la vie que j'endure en prison. Les insultes, la drague, l'humiliation… sont quelques-unes des choses que je vis en prison. Je suis malheureusement tombé gravement malade et j'ai demandé une interruption car je travaille dur.
Vu que je suis abandonné par ma famille qui n'est venue que le premier mois, le temps de ma lourde condamnation, et que je suis sans moyen, je souhaiterais négocier le détachement. J'aimerais à ma sortie de prison suivre une formation en informatique, tout en vivant loin de ma famille qui ne m'accepte plus à cause de mon choix sexuel. La vie est très difficile en taule où je dois me contenter d'un repas par jour. Le paludisme, les démangeaisons, les vertiges, la gale… sont mon lot quotidien.
L'analyse d'Alice Nkom, avocate et défenseure des homos au Cameroun :
«L'interpellation et la mise en détention provisoire de N.J. sont illégales. Au contraire, c'est lui-même qui est victime d'une infraction civile, l'exécution d'un contrat verbal de paiement d'une dette. Aucun élément du récit ne démontre un flagrant délit d'homosexualité. Or l'article 12 du Code de Procédure pénale ne permet au procureur de la République de décider d'une détention provisoire qu'en cas de crime ou flagrants délits.
«La procédure ayant abouti à la détention, puis à la condamnation de N.J. est donc nulle. Le juge a l'obligation de l'invoquer et de casser cette décision! Le fait que N.J. ait avoué son homosexualité n'y change rien. Avouer qu'on est homosexuel n'est pas, en soi, un délit et ne donne pas aux poursuivants le droit de violer la procédure pour ôter la liberté à quelqu'un: le Cameroun n'est pas un État islamique et ce n'est de la charia qu'il s'agit! Quel dommage que N.J. n'ait pas fait appel et ait ainsi accepté, parce qu'il se sait homosexuel et n'a pas envie de le cacher, sa culpabilité en tant qu'homosexuel!
«Je suis sûre que le Tribunal a considéré qu'il s'agit d'un délit continu (cf. ses aveux à la police) et qu'il ne fallait donc pas envisager de sortir de prison des gens qui, de toutes façons, allaient recommencer, pour ne pas dire continuer à être homosexuel...!
«La place de N.J n'est pas en prison, mais bel et bien à l'école, et tout de suite, la procédure étant entachée d'une nullité absolue, violant ses droits fondamentaux.»Deuxième témoignage: «E.A.»
Je suis E.A., anglophone de 31 ans et je vis avec ma femme et ma jeune fille à Ebolowa, au quartier New-Bell (camp police) à environ 1km de ma boutique car je suis commerçant. J'emploie deux Sudistes.
Je me suis plaint contre un de mes employés, caissier, parce qu'après l'inventaire, il y avait fuite d'un peu plus de 130.000 francs CFA (200 euros). Il a été arrêté et, quelques jours plus tard, son frère m'a rencontré pour un arrangement à l'amiable et demandé de faire libérer son cadet qui était en fait déjà libre, sans que je le sache.
Alors que je suis à la boutique, mon voleur arrive et me fait savoir qu'il a été libéré parce qu'on n'enferme plus les gens comme ça avec le nouveau code de procédure pénale [qui est censé s'assurer que les personnes arrêtées aient été prises en flagrant délit, et bénéficient de la présomption d'innocence, NDLR]. Il me dit, après avoir tout avoué qu'il va s'entendre avec ses frères et demain, ils viennent me régler.
Le lendemain, il arrive, puis son frère aîné demande à son cadet de se mettre à genoux pour me demander pardon et il m'a promis qu'une fois que lui et les autres membres de la famille auront fait la réunion, il viendra me donner mon argent.
La même nuit, à la fermeture du magasin après 21 heures, je faisais le contrôle de ma livraison et le petit voleur est resté alors que son collègue venait de partir, il m'a dit qu'il a faim. Je lui ai donné un bout de pain tartiné et je suis reparti derrière le comptoir pour faire les comptes de la journée. J'ai juste eu le temps de me rendre compte qu'il y avait une présence à mon dos, qu'il s'écrasait sur moi à moitié nu et me menaçait avec mon couteau. Il a crié deux noms et six personnes sont entrées dans la boutique, deux de ses frères y compris. Ils m'ont déshabillé et m'ont traîné hors de la boutique et le petit appelait le quartier en criant au viol.
B.Z. un des voisins de ma boutique, tradi-praticien, est arrivé et m'a libéré de mes bourreaux et je suis parti en courant prendre son pantalon sur la corde et suis parti au camp de police pour me plaindre. C'est là que le commissaire central, un procureur et trois policiers sont venus me prendre pour m'entraîner en cellule; bien que j'avais perdu 150.000 francs CFA que j'avais sur moi au moment de l'agression, et que ma boutique était restée ouverte.
Je me retrouve alors en prison avec monsieur B.Z. en tant que «complice pour pratique d'homosexualité» car, disent-ils, c'est lui qui me pousse à me livrer à de telles pratiques. C'est à ce moment que j'ai compris que j'étais victime d'un coup monté.
Depuis lors, j'attends, croupi en taule où j'essuie injures de tout genre et humiliations, sans parler des démangeaisons, de la toux, la mauvaise nourriture, la dépression, entre autres...
L'analyse d'Alice Nkom:
«La situation juridique et procédurale est encore plus rocambolesque que dans le premier témoignage. Elle illustre bien l'arnaque, et le chantage dont on peut être victime au Cameroun sur la base de soupçons d'homosexualité!
«Le droit est absent de l'ensemble de ce dossier: la procédure de flagrant délit n'a apparemment pas été suivie, au profit de celle de l'information judiciaire, puis qu'il ne mentionne aucune convocation, aucune déposition ni aucun jugement, depuis sa mise en détention provisoire… Dans ce deuxième témoignage, c'est le code de procédure pénale qu'on assassine!»Troisième témoignage: «E.B.S.»
Mon nom est E.B.S., je suis âgé de 35 ans et j'habite avec mon père dans un village à une dizaine de kilomètres d'Ebolowa. Je vis de travaux champêtres.
Comme il m'est difficile de vivre mon homosexualité dans ce petit coin où tout le monde connaît tout le monde et où tout se sait, je m'évade de temps en temps vers la grande cité où il m'est facile de trouver des partenaires, surtout que je me suis fait prendre une fois ce qui fait que tout le monde m'évite, je suis isolé, mis en quarantaine.
Le week-end du 12 au 14 octobre, je suis allé chez ma cousine au quartier Nko'ovos dans le but de me reposer. Le dimanche 14, je suis sorti ce soir dans le but d'assouvir mes désirs. Je me suis rendu au centre commercial, au cabaret Evasion.
Pendant que je dansais, je me suis adressé à un jeune homme d'environ 30 ans se trouvant près de moi. Il m'a dit qu'il était Malien bien que j'aie cru qu'il était du Nord-Cameroun. Je lui ai fait la cour en lui disant que je voulais dormir chez lui en sa compagnie et que je lui donnerais 2.000 francs CFA (3 euros) s'il était d'accord. Il m'a entraîné au-dehors où il a porté la main sur moi et la bagarre a commencé. Le monde qui est venu savoir ce qui se passait nous a entraîné au commissariat central non loin de là.
J'ai passé là 8 jours. Le 22 octobre 2007, j'ai signé le mandat de dépôt pour tentative d'homosexualité et j'ai été conduit à la prison où je me trouve encore. Le 23, je suis monté au parquet, j'ai été entendu. Mon plaignant était présent. Après lui, j'ai été d'accord avec sa version de faits. J'ai eu un renvoi pour le 13 septembre et ce jour, j'ai été mis en délibéré pour le 27 novembre 2007 [la décision a depuis été reportée, NDLR].
Je n'ai pas le moral car je suis abandonné par mon père et toute la famille qui m'a longtemps menacé de rompre avec la pratique. En plus, ma santé se détériore de plus en plus parce qu'en plus de la gale, du paludisme et des démangeaisons qui sont mon lot quotidien, je souffre d'habitude d'hypertension et d'un début de diabète.
J'aimerais à ma sortie de prison m'investir dans un commerce et surtout, vivre loin de ma famille qui souhaite que je croupisse en taule car, disent-ils, je suis la honte de la famille et du village.
L'analyse d'Alice Nkom :
«Là encore, tous les arguments que j'ai cités dans les deux premiers cas sont valables: il n'y a pas de tentative d'homosexualité si vous avez seulement fait la cour à quelqu'un: les conditions de l'arrestation, de la garde à vue, de la mise en détention provisoire sont illégales et violent toutes les dispositions du code de procédure pénale.»
Témoignages recueillis par Marc Lamba Lambert pour l'association Alternatives-Cameroun.

Pour faire un don à cette association, contactez-la par mail à l'adresse

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lundi 10 décembre 2007

Congé parental et homosexualité....



Congé paternité et homosexualité
Le bonheur n’est pas dans le pré, mais dans la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2002. Pas convaincu ? Suivez cette drôle d’histoire, qui conduit à réfléchir sur la légalisation du mariage homosexuel.
C’est cette loi de 2002 qui a créé le congé paternité : après la naissance d'un enfant et dans un délai de quatre mois, l’heureux papa peut bénéficier d’un congé de paternité de 11 jours consécutifs. Pendant cette période, consacrée à couver le bébé et à choyer la maman, le petit veinard perçoit les indemnités journalières de l'assurance maternité. Vive l’article L. 331-8 du Code de la Sécurité sociale !
Bingo. C’est la naissance de Basile. Karine, qui a accouché, va pouvoir bénéficier de la présence du papa. Petit problème : le papa s’appelle Elodie ! Car c’est après une insémination artificielle pratiquée en Belgique que Karine a pu enfanter. Karine et Elodie sont pacsées, mais restent les chromosomes. Problème.
La Caisse refuse le versement de la prestation : la loi, c’est la loi, et Elodie n’est pas un papa ! Le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nantes, le 20 mars 2006, confirme ce refus, pour le même motif. Hier, l’affaire se plaidait devant la cour d’appel de Nantes, et l’arrêt est attendu pour le 30 janvier.

Que dit le droit ?

Le Code civil reste très arthrosique. Tout au plus, les articles 515-1 et suivants, issus de la loi du 15 novembre 1999 qui fonde le PACS, évoquent-ils une vie de couple, sans faire référence à la différence de sexe. Le valeureux Code en est encore rose d’émotion…
C’est le Code de la sécurité sociale – que du bonheur, vous dis-je – qui avait ouvert la voie, par la loi du 27 janvier 1993 : le concubin d'un assuré, hétérosexuel ou homosexuel, acquiert la qualité d’ayant-droit au titre de l’assurance maladie. Pour la prochaine Gay Pride, je veux un char à l’honneur de l’article L. 161-14, al. 2, du Code de la Sécurité Sociale.
Toujours aussi coquin, le Code de la Sécurité sociale a inclu un article L. 513-1 qui alloue la prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE), à la « personne physique qui assume la charge effective et permanente de l’enfant ». Sans évoque la question du sexe.


Du côté européen, ça avance plus vite.


L’article 12 de la Convention européenne des droits de l’homme pose le principe de la liberté matrimoniale, et par l’arrêt Goodwin du 11 juillet 2002, la Cour européenne des droits de l’homme en a déduit qu’un Etat ne pouvait s’opposer au mariage entre une femme et d’une transsexuelle opérée.
Dernière étape – pour le moment – avec l’arrêt rendu 7 janvier 2004 (Affaire C. 117/01) par la Cour de justice des Communautés européennes qui a condamné la discrimination à propos du droit à une pension de réversion au sein d’un couple formé par une femme et une transsexuelle. La Cour de Luxembourg vise les articles 13 § 1 du Traité de l’Union européenne et 21 de la Charte des droits fondamentaux, du 7 décembre 2000, pour conclure que toute discrimination fondée sur l’ « orientation sexuelle » est prohibée.

* * *

S’agissant de Karine et Elodie, toute la question est de savoir si la cour de Rennes en restera à la lecture littérale du Code, ou si elle prendra en compte la substance des principes posés par le droit européen.
Dans leur dossier, Karine et Elodie disposent désormais d’un élément de poids. Une délibération de la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations (HALDE) reconnaissant le bien fondé de leur démarche. Et le bon président Schweitzer s’est fendu d’une lettre au premier ministre « concernant les disparités dans les conditions d’attribution des prestations sociales en lien avec l’éducation des enfants, aux couples de même sexe. »
Le plus simple serait que la loi change, ou lève le doute.
La lutte contre les discriminations de type social avance à grand pas, mais à terme elle pourrait servir de prétexte à ceux qui s’opposent au mariage homosexuel : l’égalité étant parfaite, la loi refuserait de passer le cap s’agissant d’un droit