mercredi 14 mars 2007



Les quartiers gays aux États-Unis menacés de perdre leur identité?
Lisa Leff

Associated Press

San Francisco

Les quartiers gays aux États-Unis risquent-ils de disparaître? Ces enclaves, même branchées, semblent en tout cas menacées d'une crise identitaire alors que l'acceptation de l'homosexualité progresse dans la société américaine.

À San Francisco, le quartier Castro est connu depuis longtemps comme un bastion homosexuel. Mais pour Brian Basinger, une figure de cette communauté, il risque de se transformer en musée ou pire, un lieu où les gays pourraient un jour ne plus se sentir chez eux.

Pendant plus de 30 ans, la plupart des grandes villes aux États-Unis ont eu des lieux réputés fréquentés par les homosexuels, comme West Village et Chelsea à New York, Dupont Circle à Washington et South End à Boston.

Mais alors que les homosexuels ont gagné des droits et, globalement, une plus grande acceptation sociale, les militants de la cause gay estiment que ces quartiers risquent de perdre leur identité. «Certains disent: «nous n'avons plus besoin de Castro car San Francisco est devenu notre Castro'«, explique Don Romesburg, du Club démocratique des lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels.



Don Reuter, un écrivain de New York qui mène des recherches sur l'essor et le déclin de quartiers gays dans le pays, observe la même tendance à La Nouvelle-Orléans, Philadelphie et Seattle. Il évoque un processus de «Disneylandisation» avec l'installation de grandes enseignes commerciales dans des lieux désormais «débarrassés de toute référence au sexe».

«Qu'est-ce qui rend ces quartiers gays? Pas grand-chose», souligne M. Reuter, qui prédit qu'en dehors de New York, San Francisco et quelques autres grandes villes, les quartiers gays vont disparaître.

Au début des années 70, une autre atmosphère régnait dans les «ghettos gays». Des hommes qui avaient caché leur homosexualité à leur entourage pouvaient y mener une vie ouvertement gay pour la première fois. Le climat a été assombri par l'arrivée du SIDÀ dans les années 80.

Aujourd'hui, la peur du SIDÀ a reculé et les quartiers gays sont devenus des lieux attractifs pour les promoteurs immobiliers cherchant à convaincre les familles de revenir dans les centre-villes. Signes d'un changement à Castro, un hôtel a installé des grilles de sécurité l'an dernier pour éviter que son terrain ne devienne un lieu de rencontre gay et deux petits commerces locaux installés de longue date ont été remplacés par des succursales de grandes enseignes commerciales.

Plusieurs organisations à but non lucratif ont également déménagé à cause de la hausse des loyers tandis que 500 nouveaux appartements sont prévus dans la zone, dont la moitié à vocation familiale. Mais Castro n'est pas encore envahi par les hétérosexuels.

Après la station balnéaire de Provincetown (Massachusetts), ce quartier compte la plus forte concentration de couples du même sexe aux États-Unis, selon des estimations de 2005 du bureau du recensement. Et San Francisco arrive en tête des grandes villes américaines avec un taux de résidants homosexuels qui atteint 15% de sa population.

Certains militants soulignent que les quartiers homosexuels risquent de perdre de leur spécificité à l'avenir, comme c'est déjà le cas dans certaines localités. Dans le quartier Midtown d'Atlanta, les discothèques gays ont ainsi récemment laissé la place à des appartements.

Autre tendance, entre 2000 et 2005, les dix États qui ont enregistré la plus forte progression en pourcentage des couples gays sont tous dans le Midwest, souligne Gary Gates, un démographe. «Il y a trente ans, si je vivais dans le Midwest et que j'étais gay, j'aurais pensé aller à San Francisco ou New York», dit-il. «Aujourd'hui, une personne peut aller à Kansas City et trouver une communauté gay relativement active et ouverte.»

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