samedi 4 août 2007

Un film africain sur l'immigration....




















Entretien : Joséphine Ndagnou “ Mon film est l’expression d’un sentiment d’indignation et de révolte ”
Premier rôle dans le film, scénariste, dialoguiste et réalisatrice, Joséphine Ndagnou parle de “ Paris à tout prix ”, des moyens financiers et matériels et des conditions de tournage. La prostitution, les voies anormales pour obtenir un visa, l’homosexualité…
Quelle est la place qu’occupe le vice dans votre film ?
Une place très importante. Quand on parle d’une jeunesse en perdition, c’est celle qui est confrontée à toutes les tentations d’une société en plein tumulte. A partir du moment où les gens n’ont plus d’autres sources de revenu, le commerce du sexe prend une part très importante dans la société. Cette jeunesse en détresse interpelle le cinéaste que je suis. Le vice dans le film permet de montrer l’ampleur de la tourmente et surtout à quel point les jeunes sont amenés à aller jusqu’au bout du sacrifice suprême pour assouvir leur rêve. L’homosexualité défraie la chronique depuis quelque temps dans notre société. Comment aurais-je pu l’éluder ? Les jeunes s’abandonnent dans l’homosexualité à cause de la misère et du chômage. En tant que cinéaste, je me suis trouvée profondément affligée, devant cette jeunesse africaine, victime de la misère et de la pauvreté. En la voyant sombrer dans la déshumanisation et la fatalité, j’ai compris qu’il fallait faire quelque chose. “ Paris à tout prix ” est avant tout, ma riposte à la dérive collective d’une jeunesse en manque de repères. Une jeunesse qui n’a d’autres rêves que la fuite, l’exil et l’émigration. Mon film est l’expression d’un sentiment d’indignation et de révolte.
Vous avez choisi de montrer l’aspect catastrophe de l’émigration. Certaines langues pensent que vous vous êtes profondément inspiré du discours de Nicolas Sarkozy.
Il y a des Africains qui réussissent à se tirer d’affaire en Occident certes. Mais ils sont combien ? Quoi qu’on dise, l’Africain n’est pas le bienvenu en Occident. Quand on a vécu en France (j’en sais quelque chose), on mesure l’ampleur du mépris et de la condescendance. Très peu de personnes, en dépit de leurs qualifications, y sont utilisées selon leurs compétences réelles. Mais très souvent on entend les Africains dire qu’il vaut mieux être balayeur là-bas plutôt que de rester dans son pays. On oublie une chose ; l’Occident est saturée. Tout le monde n’a plus accès au balai. Ne balaye plus les rues de l’Occident qui veut. Je ne dis pas stop à l’émigration. Je pense qu’il faut y aller, avec conviction, en sachant ce qu’on va y chercher. Il faut opter pour le départ utile. Je suis allée, je suis revenue pour travailler, être utile à ma manière pour mon pays. J’aimerai que tous ceux qui partent gardent en tête, le retour au pays natal. Qu’ils pensent que les bénéfices de leur émigration doivent profiter à leur pays. L’Afrique a besoin d’être bâtie. Si nous faisons partir tous les bras valides, si nous assistons impuissamment à l’extraversion des valeurs et compétences de l’Afrique, qui va bâtir ce continent ? C’est un questionnement qui interpelle tous les hommes de pouvoirs et les dirigeants africains. Il peut y avoir une ressemblance entre ma démarche et le discours du président français. Mais je ne suis pas pro-Sarkozy. La manière par laquelle, il tolère que les Africains soient rapatriés, me révolte. Son discours sur l’aide à concéder aux gouvernements africains, pour permettre la création des emplois, en vue de limiter le flux des candidats au départ, manque encore de visibilité. Tant qu’il n’y aura pas de chronogramme et de vigilance sur l’utilisation de cet argent. Je suis d’accord avec le président Nicolas Sarkozy pour l’aide qu’il faut apporter à l’Afrique. Comment rester insensible, en regardant, les jeunes Africains être traités comme du bétail humain ?
Parlons-nous des conditions techniques du film. A sa création, le projet de ce film était très modeste. J’avais juste mon scénario en mains.
Sans le moindre sou, ne sachant pas par quel bout commencer. Et pourtant, j’étais motivée et prête à prendre les risques qu’il fallait, pour présenter à l’écran, les affres et les dessous scandaleux d’un rêve, qui dans la plupart des cas, s’achève par un cauchemar. Au regard des souffrances, les misères de la jeunesse africaine et de l’amère désillusion, qui couronne souvent la mésaventure. Pour pallier l’absence des moyens financiers et matériels, j’ai tendu la main, à des collègues techniciens, dont le talent et l’expérience en matière de l’audiovisuel sont avérés. Si après 17 années d’expérience professionnelle, je n’ai pas pu réaliser de film alors que j’en étais bien capable, je me suis dit qu’il y avait des jeunes comme moi, armés de courage et de bonne volonté, capables de braver le challenge. Sur le plan technique, je me suis essentiellement appuyée sur une équipe camerounaise pour tourner le film. Claude Pountu a accepté d’assurer les prises de vue et d’être en même temps, le chef opérateur. Joseph Awoulbé a assuré les cadrages et l’éclairage. Ces deux frères et amis m’ont motivée à aller jusqu’au bout du projet, à parfaire le scénario et à le mettre en pellicules. Même Sosthène Fokam Kamga, l’ingénieur de son, a abattu un énorme travail. Pour assurer le montage et la post-production en France, j’ai pris attache avec des expertises qui ont l’habitude du montage des longs-métrages et des chefs d’œuvres cinématographiques.

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