jeudi 12 juillet 2007

UN FILM ARGENTIN : La Léon




Critique : La Leon






En Amazonie, sur une île, un homme vit son homosexualité malgré la controverse que cela pourrait apporter.

La Léon est le premier film de l'argentin Santiago Otheguy. Etudiant en fac de la Sorbonne et d'abord musicien, il livre une œuvre intime et tranquille, un film qui vit au fil de l'eau. Tourné avec très peu de moyens (environ 300 000 euros), Santiago Otheguy parvient tout de même à utiliser un magnifique cinémascope qui font des décors amazoniens la star véritable de son cinéma. La fascination qu'a le cinéaste pour cette rivière qui découpe le sauvage de cette forêt amazonienne indomptée est retranscrite à l'écran, tout comme celle qu'il a pour ces hommes, qui à coup de machette abattent les feuillages marécageux pour agrandir, davantage encore, cette étendue d'eau.

La Léon, c'est la double histoire d'Alvaro, un homosexuel qui vit reculé sur une île amazonienne, et d'El Turu qui, conduisant le bateau El Léon, s'occupe de réapprovisionner le village et est donc le seul personnage à entrer en contact avec la société citadine. Le film présente ainsi un microcosme dans lequel tout se sait et où tout le monde finit par tout savoir, un peu comme pour le film Salvatore Giuliano, de Francesco Rosi, sur la Sicile ; Santiago Otheguy choisit d'ailleurs aussi le noir et blanc, et il l'inaugure par une scène de meurtre dont la nouvelle se repend instantanément. L'esprit "village" est donc d'emblée fortement marqué, il ne fait que se renforcer au fil du film et des saisons. C'est toujours le même bateau-bus qui embarque les mêmes habitants, et à une heure bien précise ; ceux-ci s'occupent avec un ballon de football, organisent une partie entre deux pêches où autres activités.

En réalité, c'est surtout l'apaisement et la tranquillité qui se dégagent de La Leon, le réalisateur ne cherchant pas tant à raconter une histoire qu'à suggérer les relations entre les personnages à travers les non-dits, les déplacements. Leurs discussions sont brèves et vont à l'essentiel, mais elles sont aussi très reposantes. A la manière des premiers avant-gardistes russes, Santiago Otheguy les positionne dans son montage final, en alternance avec une bande-son sobre, envoûtante et ambiancée de Vincent Artaud (relativement semblable à celle d'Inland Empire, de David Lynch), un peu comme on construit un puzzle : il dissémine ainsi les éléments de réponse de bout en bout, et un fait anodin resté mystérieux peut ne s'expliquer que bien plus tard. Le film gagne en calme plutôt que d'être confus, tout est résolu et expliqué de manière surprenante, le fleuve suit son cours, le village aussi. Les vieux commencent à succomber, les hommes s'entretuent pour le commerce ; deux meurtres pour ce qui s'avère être tout sauf un thriller.

Quant à l'homosexualité, thème central du film, elle est abordée à travers celle d'un villageois footballeur, Alvaro, qui range sa pudeur au vestiaire lorsqu'il s'agit de prendre sa douche. Mais rien de malsain, ni d'offensant, la caméra de Santiago Otheguy reste neutre et impassible pour que le lyrisme de la nature s'applique de la même manière aux personnages. La relative absence de femmes, un des attributs du western, est encore un choix de mise en scène qui souligne le caractère particulier du personnage. Elle marque aussi la violence de l'opposition qu'il vit avec El Turu, ambigu, qui ne mâche pas ses mots lorsqu'ils parlent de l'homosexualité. Il en éprouve une haine sans commune mesure, suffisamment repoussante pour noyer Alvaro dans sa solitude, mais, accoudé au même bar qu'Alvaro ou sur le stade de football, il cherche définitivement à s'en rapprocher. Une erreur ? Sa baisse de vigilance envers les étrangers, nouveaux commerçants, traduit par un magnifique plan renversé de l'eau et du ciel, pourrait devenir un soupçon de réponse.

Publié le 12/07/2007 par Florent Boucheron

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