lundi 22 janvier 2007

Aurevoir l'abbé !

« Sur ma tombe, à la place de fleurs et de couronnes, apportez-moi les listes de milliers de familles, de milliers de petits enfants auxquels vous aurez pu donner les clés d’un vrai logement. »

Adieu L' Abbé

Henri Grouès est né dans une famille aisée et pieuse de soyeux lyonnais, originaire, du côté paternel, de la vallée de l'Ubaye (dans les Alpes), et de la région de Tarare (Rhône) du côté maternel. Il est le troisième de sept enfants. Il passe son enfance à Irigny, près de Lyon. À 12 ans, il accompagne son père à la confrérie séculaire des Hospitaliers Veilleurs, où les bourgeois se font coiffeurs barbiers pour les pauvres.
À 16 ans, il veut se faire franciscain, mais devra attendre 17 ans et demi. À ce sujet il déclara : « On me disait beau gosse, peut-être même un peu mondain, pourtant, le lendemain je serai moine. ».


En 1931, entre chez les capucins et prononce les voeux. En religion, Henri Grouès devient frère Philippe. En 1932, il entre au cloître au couvent de Crest. Il est ordonné prêtre en 1938. En avril 1939, il devient vicaire à Grenoble. Il est mobilisé comme sous-officier dans le train des équipages, en décembre 1939, au début de la Seconde Guerre mondiale.
Selon certains écrits le concernantréf. nécessaire, il aurait été impliqué dans l'aide aux Juifs pourchassés par les nazis : « En juillet 1942, deux juifs pourchassés lui demandent de l'aide. Il découvre alors les persécutions et s'engage immédiatement, apprend à faire les faux papiers. Dès août 1942, il commence à faire passer des juifs en Suisse. » Cependant, ces affirmations n'ont pas été corroborées par des témoignages authentifiés.
Il participe à la création de maquis dans le Vercors et la Chartreuse.
Il aide les réfractaires au Service du travail obligatoire (STO). Il prend le nom d'Abbé Pierre dans la clandestinité. En 1944, il passe en Espagne puis rejoint Charles de Gaulle à Alger.
Il deviendra une figure importante de la Résistance.

Carrière politique

Après la guerre, il est député de Meurthe-et-Moselle aux deux Assemblées nationales constituantes (1945-1946), comme indépendant apparenté au Mouvement républicain populaire (MRP), puis à l'Assemblée nationale de 1946 à 1951, où il siège au groupe MRP.
En 1947, il est vice-président de la Confédération mondiale, mouvement fédéraliste universel. Avec Albert Camus et André Gide, il fonde le comité de soutien à Garry Davis, citoyen du monde.
Fondation d'Emmaüs
Il fonde en 1949 l'association Emmaüs (en référence à un épisode des évangiles) vouée à l'aide aux déshérités, et particulièrement aux sans-abris. Il commence ainsi dès 1950 par la communauté d'Emmaüs Neuilly-Plaisance.
Les communautés Emmaüs se financent par la vente de matériels et d'objets de récupération et construisent des logements. C'est une organisation laïque.
Sportif, il n'hésitera pas à faire des plongeons spectaculaires pour attirer l'attention du public et des médias.
En 1952, il participera au jeu « Quitte ou double » pour alimenter financièrement son combat, où il gagnera 254 000 francs.
Hiver 54
L'abbé Pierre acquiert sa notoriété à partir du très froid hiver de 1954, meurtrier pour les sans-abris pour une « insurrection de la bonté ». « Il y a 50 ans, tous sortaient à peine des atrocités de la guerre. Tous avaient dû fuir, chacun se sentait proche des réfugiés. Les gens se rappelaient la souffrance et la peur. Ils étaient davantage prêts à réagir. Mais on ne renouvelle pas des faits historiques comme celui-là.»
Il lance le 1er février 1954 un appel sur les antennes de Radio-Luxembourg (RTL) : « Mes amis, au secours… Une femme vient de mourir gelée cette nuit à 3 heures, sur le trottoir du boulevard Sébastopol, serrant sur elle le papier par lequel, avant-hier, on l'avait expulsée. Devant leurs frères mourant de misère, une seule opinion doit exister entre les hommes : la volonté de rendre impossible que cela dure. Je vous en prie, aimons-nous assez tout de suite pour faire cela. Que tant de douleur nous ait rendu cette chose merveilleuse : l'âme commune de la France, merci ! Chacun de nous peut venir en aide aux sans-abri. Il nous faut pour ce soir, et au plus tard pour demain : 5000 couvertures, 300 grandes tentes américaines, 200 poêles catalytiques. Grâce à vous, aucun homme, aucun gosse, ne couchera ce soir sur l'asphalte ou les quais de Paris. Merci.» Le lendemain, la presse titra sur « l'insurrection de la bonté ». L'appel rapportera 500 millions de francs en dons.
Réforme de la doctrine de l'Église
En 2005, dans son livre Mon Dieu… pourquoi ?, rédigé avec Frédéric Lenoir, il déclare qu'il a eu des relations sexuelles alors qu'il était tenu par son vœu de chasteté. Aucune de ses relations n'a duré, car il était tiraillé entre son désir et son vœu de célibat. À ce sujet, il se prononce pour une réforme de la doctrine de l'Église en faveur de l'ordination des hommes mariés. Et ne comprend pas l'opposition de Jean-Paul II et de Benoît XVI, l'ordination des hommes mariés étant autorisée par l'Église dans certains rites orientaux. En outre, il voit dans cette autorisation un moyen de lutter contre la pénurie de nouveaux membres de l'Église.
Il se prononce également pour l'ordination des femmes et ne s'oppose pas à l'homoparentalité, à condition que les enfants ne subissent aucun préjudice psychologique ou social. Il explique notamment son opinion sur le fait « qu'un modèle parental classique n'est pas nécessairement gage de bonheur et d'équilibre pour l'enfant », mais il se déclare contre le mariage gay et préfère y substituer une « alliance » homosexuelle. Car selon lui, le mariage homosexuel « créerait un traumatisme et une déstabilisation sociale forte ».

Sa mort

L'abbé Pierre meurt le lundi 22 janvier 2007, tôt le matin (5 h 25 heure locale), à l'hôpital du Val de Grâce à Paris, des suites d'une infection pulmonaire. Il était âgé de 94 ans.
Les réactions en France sont rapides.
Le jour de sa mort, le président de la République française Jacques Chirac a salué la mémoire de l'abbé Pierre et estimait qu'avec sa disparition « c'est la France entière qui est touchée au cœur ».
« Au mouvement Emmaüs et à la Fondation Abbé Pierre, à tous ses militants et bénévoles, le président de la République fait part de sa grande peine et l'expression de toute sa solidarité », ajoute le président.
L'ensemble de la classe politique française reconnaît le travail réalisé par l'abbé Pierre, notamment Dominique De Villepin, premier ministre qui saluait « l'homme de cœur et d'engagement ». Dans un communiqué publié par Matignon, le Premier ministre souligne que « l'abbé Pierre a été, toute sa vie durant, une force d'indignation capable de faire bouger les cœurs et les consciences » : « Défenseur du droit au logement, fondateur des communautés d'Emmaüs, il s'est consacré sans relâche à aider les plus pauvres à tracer leur chemin. L'abbé Pierre nous a montré la voie de la générosité individuelle et collective. Il manquera à tous les Français », conclut Dominique de Villepin.
De tous bords, les politiques ne tarissent d'éloges pour l'abbé Pierre. Ainsi, par exemple, Ségolène Royal — candidate socialiste à l'élection présidentielle française, déclare-t-elle au micro de la radio RTL que « Le long cri de colère de l'abbé Pierre contre la pauvreté ne doit pas s'éteindre », tandis que Nicolas Sarkozy, candidat UMP à la même élection déclarait, lui, dans un communiqué, que « avec la disparition de l'Abbé Pierre, le cœur de la France est en berne ».
Image publique
L'image du grand barbu en soutane, en grosse pèlerine et godillots, forge vite son statut de « héros légendaire », de « juste ». Il a une très grande popularité en France, les enquêtes d'opinion qui la mesurent le placent souvent en tête, notamment celle annuelle du Journal du Dimanche. Il a demandé à être retiré de l'enquête. « C'est à la fois une arme et une croix », dit-il.
Encore ces dernières années, malgré la maladie et l'âge, il est descendu dans la rue pour soutenir la cause des pauvres. Il a soutenu l'association Droit au Logement (DAL).
Il a été régulièrement malade, notamment des poumons quand il était jeune. Il s'est sorti indemne de situations dangereuses :
tombé dans une profonde crevasse quand il aidait des gens à s'enfuir pendant la guerre
rescapé quand l'avion dans lequel il se trouve réussit un atterrissage d'urgence, sans réacteur, dans les années 1950 en Inde
et surtout, naufragé miraculé en 1963, au Rio de la Plata entre l'Argentine et l'Uruguay. Quatre-vingts personnes perdent la vie autour de lui, qui survit accroché à un bout de bois. Peu de temps après, lors de son voyage à Alger, il exhibait avec une sorte de joie pleine de gratitude un couteau suisse qui avait été déterminant pour lui en cette aventure. Il se montra plein de compassion pour les orphelins hébergés à l'école Lavigerie (Casbah) et demanda pour eux une aide particulière au cardinal archevêque d'Alger, monseigneur Duval.
Tous ces accidents vont participer à lui forger une image de miraculé.

Controverse

Lorsque son ami Roger Garaudy est traduit en justice pour négationnisme, en 1996, il lui apporte son soutien « à titre amical », et accompagne ce soutien de propos ambigus sur les Juifs et le judaïsme qui lui vaudront d'être exclu du comité d'honneur de la LICRA. L'abbé Pierre se démarquera ensuite des tentatives pour « nier, banaliser ou falsifier la Shoah », mais non du livre de Garaudy. Selon les termes du quotidien L'Humanité, « ce revirement tardif ne dissipe cependant pas le malaise » [3].

Distinctions

14 juillet 2004 : élevé à la dignité de Grand' Croix de la Légion d'honneur. Il est promu Grand officier de la Légion d'honneur en 1992 mais il refuse de la porter jusqu'en 2001 pour protester contre le refus de l'État d'attribuer des logements vides à des SDF.
Croix de guerre 1939-1945 avec palmes
Médaille de la Résistance
Plusieurs décorations étrangères

Un homme aimé et connu ici en France, au Québec et dans le monde : JMarc " Froggy "

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