jeudi 25 janvier 2007

Démystifier l'homosexualité chez les jeunes...





Marie Houzeau, directrice du GRIS-Montréal
Par : Élisabeth S.-Brousseau [ inter-vues@hotmail.com ] [

On avait rendez-vous entre Noël et le jour de l’An. J’étais à peine remise de mes frasques et autres activités nocturnes du temps des fêtes… Elle, fidèle au poste, était au bureau, profitant des vacances des autres pour faire avancer ses dossiers, j’imagine. J’ai voulu la rencontrer. Ou plutôt, rencontrer la directrice du GRIS (Groupe de Recherche et d’Intervention Sociale gaies et lesbiennes). On m’a parlé de cette association dans des termes, ma foi, extrêmement flatteurs. « Une association intelligente. Avec des bénévoles hors pair. » « Des gens issus de toutes les sphères de la société, qui prennent le temps. C’est pour la cause, ils y croient. » Marie Houzeau, directrice du GRIS- Montréal, était ravie de me rencontrer.

Elle est Belge d’origine. C’est à cause de Josée qu’elle a émigré (après l’avoir rencontrée sur le Net). Elles vivent toujours ensemble. En fait, c’est sa belle qui serait allée la rejoindre en Europe si la Belgique avait été ouverte à l’immigration. Et puis, l’accent québécois, la grisaille de nos hivers et nos valeurs sociales l’ont conquise depuis maintenant sept ans. Elle a toujours fait du bénévolat. Marie est impliquée dans la sphère communautaire depuis très, très longtemps. Que l’on parle de développement et d’aide internationale, d’organismes de charité, de regroupement pour les droits des femmes, Marie a toujours été là pour l’aspect organisationnel et la formation, ses deux spécialités. Puis, elle a entendu parler du GRIS. Elle s’y est intéressée, devenant rapidement bénévole. En 2005, le directeur général prend sa retraite et Marie est toute désignée pour le remplacer.
Le GRIS-Montréal est un organisme – et le seul à Montréal d’ailleurs – qui démystifie l’homosexualité dans les écoles. Le GRIS et ses bénévoles œuvrent principalement aux niveaux secondaire et collégial (à quelques exceptions près). L’impact du travail qu’ils font est manifeste. Ils envoient un gai et une lesbienne devant des classes entières pour défaire, voire déconstruire les préjugés à l’endroit des homosexuel(le)s. Simplement, en racontant leur vie. Comment ils ont su qu’ils étaient gais ou lesbiennes. Comment leur coming-out s’est déroulé. Le premier chum. La première blonde. La réaction de leur entourage, les parents, les ami(e)s. L’amour, l’acceptation de soi, les relations, le Village, le sexe, la religion, le mariage, les bébés… Tous les sujets y passent. Un maximum de thématiques sont abordées pour démystifier, pas pour justifier, mais pour expliquer. Parce que lorsqu’on connaît quelqu’un qui « l’est », qui « le » vit, qui « le » fait, ça désamorce la force des préjugés. Surtout pour le gai ou la lesbienne qui se découvrira plus tard dans cette classe-là et qui pourra peut-être mieux l’accepter, mieux s’accepter.

Ainsi, après avoir débuté la rencontre en lançant des pistes sur leur vie, le gai et la lesbienne de service se rendent disponibles pour la période de questions. Et les jeunes s’en donnent à cœur joie avec leurs colles. Et aucune question : « Comment vous êtes-vous aperçu que vous étiez homosexuel? », « Dans votre couple, qui fait l’homme, qui fait la femme? », « Êtes-vous fidèle? », « On dit que vous pouvez vous reconnaître entre vous. Comment faites-vous? », « Pourquoi avez-vous un défilé, un Village, des Jeux gais? », « Pourquoi certains gais sont très efféminés et certaines lesbiennes très masculines? ». Ces bénévoles, ces gais, ces lesbiennes, prennent le temps de se raconter aux jeunes. Il n’y a pas de réponse unique à leurs questions, chacun y va de sa perception personnelle de la chose. De toute façon, on ne se lance pas dans les grands discours sur la génétique ou l’acquisition sociale de traits typiques du sexe opposé! Souvent, c’est l’expérience qui parle. L’objectif est de démystifier, et ce, auprès de jeunes et d’adolescents. Le GRIS oblige chaque candidat intervenant à suivre une formation complète avant de lui permettre de se lancer dans les classes pour ouvrir son cœur, son passé, son expérience personnelle, parfois même un peu son intimité.

Le GRIS veut développer davantage d’outils et produire des statistiques probantes sur l’homosexualité. Marie m’explique qu’un questionnaire est passé avant l’exposé, puis à nouveau après la période de questions. Une amélioration nette est perçue dans les résultats. De « mal à l’aise » qu’ils étaient au départ, les jeunes deviennent « à l’aise » et de « à l’aise », ils deviennent « très à l’aise » avec la chose homosexuelle. Voilà plus de dix années que le GRIS-Montréal récolte des données sur la perception des jeunes par rapport à l’homosexualité. S’ils avaient plus de revenus, un chercheur à temps plein pourrait les colliger et les traiter. L’organisme pourrait ainsi améliorer ses méthodes d’intervention, intégrer une vision positive de l’homosexualité dans le cadre scolaire et, plus globalement, améliorer encore davantage l’image des gais et des lesbiennes.
J’observe le matériel publicitaire du GRIS, les affiches qui sont installées dans les écoles. Je demande à Marie pour quelle raison ils choisissent toujours des hétéros pour leurs campagnes de promotion. Elle me tend un carton publicitaire, largement distribué, où l’on voit France Castel, Pierre Gendron, Vincent Gratton, Charles Lafortune et Dominique Pétin devant un tableau vert affichant le message : « Nos enfants ne seront pas homophobes ». Puis, elle me tend un autre carton sur lequel on voit le comédien Gilles Renaud disant : « En tant qu’hétérosexuel, il me paraît essentiel de m’adresser à d’autres hétérosexuels pour leur dire que l’homophobie, au même titre que le racisme, n’est pas tolérable dans notre société… » Je suis bouche-bée et félicite Marie et son équipe pour ces concepts marketing accrocheurs, voire prenants.

La conversation s’anime. Comme partout, souvent, on se demande où sont les femmes. Où se cachent les lesbiennes? Au GRIS, un des organismes communautaires gais les plus mixtes, on ne retrouve qu’environ 35% de femmes. Et une faible proportion de minorités ethniques. Pourtant, les jeunes ont besoin de voir des personnes qui leur ressemblent : ça facilite la démystification. Marie a longtemps fait ce travail de terrain et sait combien ça peut être important dans la vie d’une fillette de 13 ans de voir une lesbienne pour qu’elle puisse s’y identifier, si besoin est. Dans les projets futurs du GRIS, Marie a en tête la poursuite de la démystification de l’homosexualité dans les classes d’accueil, pour les immigrants tout chauds arrivés. Pas pour leur faire peur, mais pour leur montrer qu’au Québec, ils rencontreront des gais, des lesbiennes : un voisin, un ami, un collègue de travail, un patron… Certains viennent de pays où la peine de mort est ce qui attend les gais. Ils doivent s’adapter à une nouvelle réalité qui, chez nous, est en pleine révolution. Marie Houzeau et son équipe veulent continuer d’améliorer les choses. Parce que l’homophobie n’a plus sa place en 2007, mais qu’il faut continuer de travailler pour l’enrayer.

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